Musicien et plasticien, Paskine a choisi sur Aleph Attempt d’utiliser comme seule source sonore une matière mouvante, purement électronique, issue de la synthèse par modélisation physique. Ni sample, ni field-recordings, ne viennent s’intégrer à ces compositions qu’il a façonnées pendant trois ans. Rien n’est extérieur sauf l’inspiration, tirée du recueil de nouvelles de Jorge Luis Borges, « L’Aleph », qui désigne le tout contenu dans un point minuscule, un microcosme.

Dans un univers fondamentalement électronique, le tour de force d’Aleph Attempt consiste à convoquer si grandement la nature. L’auditeur ne sait pas s’il a affaire à des torrents de sable ou à des erreurs informatiques. Les sensations d’effondrement évoquent la densité végétale, le grondement d’une cascade ou la trajectoire d’agglomérats charriés par les eaux. Dans cette entropie magmatique, l’intérieur terrestre semble se retourner sur lui même, exposant dans des frictions de terre sèche, un monde souterrain grouillant.

C’est un artiste qui a toujours questionné la tension entre le bruitisme et l’harmonie. Après une quête de l’abstraction radicale qui s’étendit sur The Shapes of Collapses (VoxxoV Records, 2017), il a cherché avec Aleph Attempt à apaiser les tempêtes et renouer avec le rythme et la mélodie. La lumière se livre davantage, elle apparait par bribe, sectionnées en fragments qui se perdent dans la matière. Mais l’émotion demeure ambivalente. Aleph Attempt parle du vertige face à l’inexplicable et au chaos. C’est la beauté du geste, la persistante consciente que nous n’y arriverons pas, la volonté de se rapprocher du plus juste par la poésie en avouant à demi-mot son impuissance. L’Aleph est une quête, une vaine tentative de ressentir le temps présent, les causes du passé et les conséquences futures.

Aleph Attempt pourra plaire aux fidèles du label Raster-Noton, à qui le détail du grain et les processus itératifs pourront évoquer des artistes comme Vladislay Delay ou Ryoji Ikeda. Au delà, il pourra toucher quiconque aime l’ambigüité sonore, la beauté de l’aride et la dentelle des signaux. 


(EN)

As a musician and visual artist, Paskine chose for Aleph Attempt to use only electronic matter, resulting from physical modeling synthesis, as a source of sound. Neither samples nor field-recordings come into his compositions, which he has shaped for three years. Nothing is external except its inspiration, coming from Jorge Luis Borges' collection of short stories, "The Aleph", which refers to a microcosm that contains the whole universe.

In a fundamentally electronic universe, Aleph Attempt's tour de force is to summon nature so greatly. The auditor does not know if he is dealing with torrents of sand or computer errors. The sensations of collapse evoke the density of vegetation, the rumbling of a waterfall or the trajectory of rocks carried by water. In this magmatic entropy, the earth's insides seem to turn around, causing frictions of dry soil and exposing a teeming underground world.

Paskine has always questioned the tension between noise and harmony. After a quest for radical abstraction on The Shapes of Collapses (VoxxoV Records, 2017), Aleph Attempt seeks to calm the storm and reconnect with rhythm and melody. The light gradually arises and appears in snatches, cut into fragments which are lost in matter. But the emotion remains ambivalent. Aleph Attempt is about vertigo from chaos and the inexplicable. It is about the beauty of the gesture, the persistent awareness of failure, the desire to approach rightness through poetry, while admitting its powerlessness. The Aleph is a quest, a futile attempt to sense the present time, the causes of the past and the future consequences.

Aleph Attempt is likely to be enjoyed by fans of Raster-Noton imprint, since the detail of the grain and the iterative processes can evoke artists like Vladislay Delay or Ryoji Ikeda. But beyond that, it will touch anyone who likes the ambiguity of sound, the beauty of the arid and the lace of signals.